Le sourire du chat aux éditions du Seuil, 1984 et «Points» n° P503

Premier roman autobiographique, qui permet à Maspero de quitter l’ombre (librairie, édition, traduction) pour gagner la cruelle lumière de l’année 1944. Le Chat, c’est le personnage principal, garçon de 13 ans qui assiste impuissant à la disparition de son frère résistant, à l’arrestation et déportation de ses parents, aux lâchetés des uns, au courage des autres. Il apprendra à lancer des grenades, construire des avions en papier, composer avec les conventions insanes des adultes, faire le “vide définitif” en lui, et que les hommes, SS ou pas, “sont ordinaires et puent la mort” quand ils forment un “bloc soudé, inhumain” plein de “suffisance brutale”. Première fiction écrite par le survivant pour l’enfant qu’il fut et en souvenir des siens, disparus dans un temps qui les fige et les estompe : son frère aura toujours 19 ans, son père ne vieillira plus. Pour comprendre pourquoi le Chat deviendra l’écrivain Maspero : pour ne pas que “le passé meure en lui” dans un cauchemar aux contours flous, pour aller au-delà des pleurs et des mots, dans la souffrance nue.

“Le Chat, que les autres appellent Luc, a treize ans. On dit qu’il est grand pour son âge. Il a des jambes maigres, avec de gros genoux qui sortent de sa culotte en accordéon, une grande mèche noire qui tombe sur les yeux, sa mère dit qu’ils sont violets, cela dépend du temps, yeux bleus, yeux gris, yeux en amande, yeux de chat persan, et une bouche qui s’étire d’une oreille à l’autre quand il rit, bouche de chat-tirelire. L’été, des taches de rousseur lui viennent autour du nez : il aime ça.”

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